dimanche 8 mai 2011

Torres del Paine : Peux-tu peindre en mille couleurs l'air du vent...

L'article de Torres del Paine est en attente depuis plus de 2 semaines, parce que je voulais prendre le temps de faire ça bien... Mais justement, du temps, j'en manque cruellement.

Malgré tout, le voilà enfin !


Ca y est. On y est. Torres del Paine, à la limite du bout du monde (on est pas si loin d'Ushuaïa, je vous le rappelle).
Le bus nous a déposé au bout d'un lac, et en attendant le départ du bâteau qui nous permettra de le traverser et d'entrer dans les profondeurs de la nature, on nous conseille d'aller faire un petit tour.
"Il y a une cascade sympa là-bas, allez y faire un tour en attendant! Le bâteau sera là dans 40 minutes, ça vous laisse pile poile le temps de faire l'aller-retour..."
Les filles sont enthousiastes. Et nous voilà parties.


Torres del Paine : où la mode fait des ravages.
(Non mais sérieusement.)

Nous marchons donc, ayant laissé nos sacs pas loin du ponton d'embarquement, tandis que je râle, évidemment. "Mais on va marcher pendant 2 jours, pourquoi on s’assoit pas sur le ponton en attendant le bateau?" Mais mes colocs sont bornées, et ne font même pas attention à moi.
Et elles ont raison.



Parce qu'après 20 minutes de marche, nous arrivons près de la "cascade sympa", qui est en fait une pure merveille de la nature, bouillonnante et bleue turquoise. Les mini-chûtes du Niagara en Patagonie. "Un truc de fou !" comme dirait une de mes colocs.

Nous restons un moment stupéfaites, subjuguées par la beauté du lieu. On ne peut même plus parler (et de toute façon, avec le bouillonnement de l'eau, on ne s'entendrait même pas).

On profite à fond du moment, se rendant compte de la chance qu'on a d'être là, avant de réaliser que si on veut avoir le bateau, il serait temps d'y aller.





Manon et Laëtitia immortalisent le moment. Au final, on a chacune 50 fois la même photo...
Les quelques mètres pour rejoindre le bâteau avec les sacs sur le dos sont affreux. Comment est-on supposées marcher pendant 2 jours avec un tel poids sur nos épaules? Entre les pâtes, les vêtements chauds, le duvet, la toile de tente, le matériel de camping et toute la nourriture, c'est comme si on portait notre vie entière sur le dos. Mieux ! Notre maison...

Nous sommes des petites tortues perdues dans le froid du grand Sud Chilien.

Voilà.

Sur le bâteau, il fait froid et il y a beaucoup de vent, mais on se laisse distraire par la couleur de l'eau (une eau bleue turquoise comme ça, ça ne devrait même pas exister...) et les conversations des autres passagers. Trois français, en polaire Wed'ze et pantalon seyant, pensant que personne ne peut les comprendre, discutent allègrement. "Ah ouaaaaiiiis, non mais moiiii, j'ai envie de me faire pouponner, tu compreeends..."



Aucun trucage, c'est la vraie couleur de l'eau.










A la sortie du bâteau (ce trajet de 20 petites minutes vaut 11000 pesos ! Damn it !), nous nous retrouvons face au premier refuge / camping du parc. Et c'est d'un commun accord que, vu le poids de nos sacs, nous décidons d'installer notre campement ici et de faire l'aller-retour jusqu'au glacier dans la journée.

Yes we can !



Mais avant ça... MANGER.

Après avoir repris des forces, nous nous attelons donc au montage des tentes, après avoir demandé conseil à Marcello ("avec deux l, hein!"), l'employé du camping, afin de choisir l'endroit le plus abrité du vent.




Pili et Laëtitia ont la tente de Pedro, tandis que Manon et moi avons celle louée à Puerto Natales.










Le montage semble bien parti, dans la joie et la bonne humeur... Oui, mais ça c'est avant de se retrouver face au résultat.




La tente de Pili et Laëtitia est parfaite, et se tient fièrement face au vent. Celle de Manon et moi, en revanche... C'est une autre histoire.



25 minutes d'efforts conjugués n'auront servi à rien. La toile est proclamée plus grosse horreur de toute l'histoire de l'humanité.



D'un commun accord.
Oui, c'est bel et bien son aspect final.



Vous pouvez le dire, ça ne me vexera pas : on dirait une pauvre crotte jaune écrasée sur le bord d'une route.



Comme Manon l'a si bien renommée : La Tente Picassotée.




Les Warriors partent à la conquête du Parc.




Mais nous ne restons pas bloquée sur cette déception. On en a vu d'autres, après tout...



Vers 15h, c'est le grand départ. Laissant nos



affaires sous la tente, nous partons enfin à la découverte du Parc Torres del Paine !!!



Et c'est parti pour plusieurs heures de marches, ponctuées de cailloux, de montées, de descentes, de forêts et de lacs, et d'arbres, et de virages...








Au bout d'une quarantaine de minutes, nous faisons notre première pause dans une clairière faiblement éclairée, et dominée par un arbre majestueux : nous avons trouvé Grand-Mère Feuillage.



Grand-Mère Feuillage, Manon, et moi.






Cette rencontre improbable marque le début d'un grand débat quant au lieu de tournage de Pocahantas ("Non mais c'est sur, le dessin animé il se passe forcément en Patagonie !")et la probabilité que Pocahantas ait été couverte de poils. (Il n'empêche que Kokuom était sexy).



Au détour d'un sentier, nous nous retrouvons face à un immense lac (pas le même que celui qu'on a traversé quelques heures plus tôt en bâteau).



Etant la première à le voir, je pousse un hurlement de joie.




"EL GLACIAR !!!!!!!"




Les filles accourent... Fausse alerte. Il s'agit seulement de gros glaçons, des morceaux de glaciers à la dérive. Mais ça veut au moins dire qu'on s'approche de notre but...




... Et c'est vrai. Au bout d'un moment (j'ai renoncé à compter le temps qui passe), nous voyons enfin se profiler le glacier au loin...






WOW.
C'est immense, c'est magnifique, c'est bleu...






C'est splendide.




Nous arrivons enfin au premier "Point de Vue" d'où nous pouvons admirer le glacier et faire les photos qui font classe (les indispensables "Regardez-moi, je suis devant un glacier!")



C'est là que la grande question se pose. "On va jusqu'où ?" demande Pili. "Jusqu'au glacier !!!!"







A ma décharge, à ce moment-là, je ne savais pas à quel point il était loin. J'avais seulement tendance à oublier que plus les choses sont grandes, plus elles paraissent près. Or, ce glacier est ce que l'on peut qualifier de VRAIMENT immense.







Nous continuons donc à marcher, perdant momentanément de vue notre objectif principal pour nous enfoncer à nouveau dans les profondeurs de la forêt montagneuse.




Nous nous ravitaillons en eau dans la rivière, parce qu'évidemment, nous n'avons pris que des petites bouteilles pour qu'elles pèsent moins lourd... Mais heureusement, la rivière nous suit (ou nous suivons la rivière), nous évitant de mourir de soif.







Nous redébouchons à nouveau de la forêt pour longer le lac, et c'est là que deux chemins se présentent à nous. Les deux descendent difficilement dans les rochers, donc si on se trompe, il faudra remonter... Quoi qu'il arrive, il faut en choisir un, et nous optons pour celui de gauche. Raté. Celui de droite ? Raté aussi.



Nous nous reposons quelques minutes, le temps de trouver une solution, puis retentons le chemin de gauche qui finalement, s'avère être le bon.






Fatiguée ? Moi ? Non....







Pili, souriante en toutes circonstances.




Le soleil a fini par se lever, et nous continuons à marcher. Manon a mal au tendon d'Achille, tandis que ma cheville, qui a du se tordre à un moment donné dans les cailloux, commence à me faire souffrir sérieusement. Mais nous continuons, avec la rage et la détermination de 4 personnes qui veulent arriver à leur but.




Glacier Grey, prépares-toi à l'invasion.











Manon et sa pose à la Ann Hathaway.
Et enfin, après 4 heures de marche et de souffrance, nous voilà face au Glacier Grey.




On est pas aussi près que ce qu'on voulait initialement, mais on y est. Enfin !




A l'endroit où nous nous trouvons, le vent souffle plus fort que jamais. On a beau lutter pour s'approcher du bord de la falaise, le vent nous repousse sans cesse en arrière, et il est impossible d'avancer. "J'avais jamais été poussée par le vent comme ça avant !" crie Laëtitia en tentant d'avancer, mais en vain.




















C'est le vent qui souffle dans nos pantalons et nous fait paraître grosses...




On ne peut pas rester longtemps à cause du vent, mais on tente quand même d'en profiter un maximum. On vient quand même de marcher pendant des heures pour voir ça !



On se met à l'abris du vent pour reprendre quelques forces, mais il faut se dépêcher ; il est 19h, et le soleil commence déjà à disparaître.




La seule chose à laquelle on n'avait pas vraiment réfléchi, c'est que 4 heures de marche à l'aller signifiait 4 heures de marche au retour. Qu'après 4 heures passées à monter, descendre, tourner à gauche ou à droite, enjamber des troncs d'arbre et trébucher sur des cailloux... Il faudrait refaire le même chemin en sens inverse.




Alors on repart dans le froid, Laëtitia tentant de se protéger du vent en arbhorant le look Kamikaze, Pili marchant le plus vite possible, Manon parlant pour oublier le temps qui passe et moi trainant ma pauvre carcasse derrière elles.



Mais on a beau marcher le plus vite possible pour tenter d'esquiver la nuit, 4 heures de marches à l'aller signifie 4 heures de marche au retour. Quoi qu'il arrive. Et malgré tous nos efforts conjugués, on ne peut pas empêcher la nuit de tomber.
A 21h30, il fait déjà noir comme dans un four, et après une courte pause dans la forêt (la seule et unique de ce trajet de retour), on essaye tant bien que mal de se partager les 2 lampes torches qu'on a emmenées...








A ce point-là, on est déjà plus que des épaves. Ma cheville m'a complètement lâchée, et la douleur est tellement atroce que je n'arrive même plus à penser normalement. Et si un puma nous attaquait ? Et les pingouins, quand ils se cassent une patte, ils font comment ? Je suis seulement capable de suivre tant bien que mal la lumière qui vacille à chaque boitement de Manon, tout en l'écoutant déblatérer sur les pates qu'on mangera et la douche chaude qu'on prendra en arrivant.




A ce point-là, je suis tentée de tout abandonner. Je serais capable de me rouler en boule sous un arbre et d'attendre que quelqu'un vienne nous chercher. Je crois que les autres pensent pareil, mais on sait qu'on ne peut pas ; personne ne viendra, et on doit se sortir de là seules.



Laëticia et Pilar sont devant avec leur lampe, et c'est quand on entend leur cri de victoire qu'on sait qu'on est enfin arrivées. Il est 22h30, et Marcello, l'employé de camping avec qui on a parlé plus tôt dans la journée, s'inquiète pour nous et était en route pour venir nous chercher avec sa propre lampe torche.



"Je commençais à m'inquiéter les filles, la nuit est tombée depuis bientôt 1h30..."







Il a l'air sincèrement soulagé de nous voir revenir entières, et il nous propose de venir nous réchauffer dans le refuge où il nous offre un verre de pisco pour nous réconforter.



Nous nous enfonçons avec délice dans les fauteuils ultra-confortables du refuge, tout en lui racontant nos aventures de la journée.








Dehors, il fait dans les alentours de 0°C. La douche n'est finalement même pas envisageable, puisque les douches sont en plein air et que l'eau chaude est coupée à 10h... Et il est 10h30. De toute façon, nous n'avons plus la force de rien. La cuisine du camping ferme elle aussi à 10h, mais Marcello demande au responsable de la rouvrir pour nous, lui expliquant nos mésaventures de la journée.
Après un bon repas (les pates prenant trop de temps, nous nous contentons d'une soupe...), nous partons nous coucher.

Il fait un froid glacial, et malgré les recommandations de Marcello quant à l'endroit où planter la toile, le vent souffle terriblement fort. C'est comme si on vous proposait de faire du camping en pleine montagne, en plein hiver. Ou au Pôle Nord. Camper à Gavarnie ? J'aurais jamais cru ça possible avant la Patagonie.

On a nos duvets + les duvets "spécial grand froid" loués au refuge, mais c'est loin d'être suffisant. A cause du froid, mais aussi de la fatigue (on peut à peine bouger), on se glisse dans les duvets toute habillées: pantalon, pantalon de pluie, chaussettes puantes (il fait trop froid pour seulement considérer de les enlever) bonnet, gants, imperméable, pull, et toutes les épaisseurs qu'il y a dessous. Et même comme ça, on a presque encore un peu froid...

Mais on finit par s'endormir, dans la tente Picassotée, malgré le vent et la pluie.

Jusqu'au moment où Manon me réveille en pleine nuit, une légère teinte de panique dans la voix.

"Cloé... Cloé réveilles-toi!"
"... Mmm quoi..."

"La toile de tente elle s'est envolée !"

"Mais non, elle est là, on est toujours dessous..."

"Mais non, la toile du dessus !"

Je touche à travers la moustiquaire, et la toile est effectivement toujours là.

"T'inquiète pas, elle est bien attachée. Elle peut pas s'envoler."

"Ok."

Et Manon se rendort, sans un mot de plus. Il m'aura fallu 45 minutes, à cause du vent et de la pluie.

(Non non, je t'en veux pas...)

Le lendemain, nous sommes censées repartir avec Pili et Laëtitia pour un trekking de 7 heures dans la Vallée del Frances. Un rapide coup d'oeil à Manon qui peut à peine plier son genoux et à ma cheville enflée et bleue pose le verdict final : on arrête.

En temps normal, on aurait été parfaitement capables de continuer. Mais un mois de Road Trip, des centaines d'heures de bus et de marche ainsi que l'ascension du volcan ont eu raison de nos forces et de notre bonne volonté.

Il existe un moment où l'esprit veut mais le corps se rebelle. Nous sommes arrivées à ce moment-là, et même si c'est difficile à accepter, on ne peut pas aller au-delà de nos limites.

Les filles sont un peu déçues de nous voir plier bagage et ranger la tente Picassotée, mais elles comprennent.



La vue depuis l'ouverture de la tente Picassotée.

Après les derniers au-revoirs (de toute façon on se retrouve dans moins d'une semaine) et les derniers encouragements (ces Warriors finiront tout le circuit W!), nous partons et refaisons le chemin en sens inverse : le bâteau sur le lac turquoise, le bus jusqu'à Puerto Natales, la nuit à l'Hospedaje de Gloria (qui nous accueille à bras ouverts, heureuse de nous voir revenir épuisées mais entières), le bus jusqu'à Punta Arenas où nous passons à nouveau la nuit à l'Hostal, puis le retour jusqu'à Santiago (en avion cette fois, pas en bus).

L'arrivée à l'aéroport de Santiago est très différente de celle que nous avons vécu un mois plus tôt. Même si l'aéroport est toujours le même et que la chaleur de la ville nous accueuille de la même manière, le sentiment n'est pas comparable.

La première fois qu'on a atterri ici, on débarquait en terre inconnue, avec nos bagages et sans savoir à quoi nous attendre. Cette fois-ci, on rentre à la maison. Chez nous.

Et même si voyager et partir sur les routes avec seulement son sac à dos est une expérience exceptionnelle...

Parfois ça fait du bien de pouvoir se poser dans un endroit qu'on considère comme chez soi.


Crédits Photos : Manon & Cloé

1 commentaire:

  1. Un article à le hauteur d'une journée de marche, d'une journée de vent, d'une journée de voyage ... Dieu ce qu'on a souffert. Mais c't'ait chouette ! Même si au fond, le meilleur moment c'est le Pisco Sour gratuit ... ^^

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